L’intelligence artificielle a cessé d’être une promesse lointaine pour devenir une réalité opérationnelle. Dans tous les secteurs, des directions générales aux équipes opérationnelles, l’IA s’infiltre dans les usages. Pourtant, une majorité d’entreprises peinent à convertir ces expérimentations en valeur concrète. La raison est simple : l’IA se diffuse, mais souvent sans boussole. Faute de vision unifiée, de priorisation rigoureuse et de gouvernance transverse, les organisations multiplient les POC, fragmentent leurs efforts et génèrent peu d’impact à l’échelle. C’est dans ce contexte qu’une roadmap IA structurée devient non seulement utile, mais indispensable.
L’illusion du progrès : quand l’IA avance sans cap
Depuis l’émergence de ChatGPT fin 2022, les entreprises se sont massivement tournées vers l’IA générative, espérant des gains de productivité immédiats. Pourtant, selon une étude Gartner publiée en 2024, plus de 85 % des projets IA n’atteignent jamais le stade de production. Le phénomène n’est pas technologique : c’est un problème de cadrage, de stratégie, de pilotage.
Beaucoup d’organisations confondent mouvement et progrès. Elles empilent les expérimentations — ici un chatbot RH, là une automatisation de traitement de mails — mais sans cohérence, ni alignement avec la stratégie globale.
Résultat : des budgets dispersés, une dette technique croissante, une fatigue des équipes et un sentiment croissant d’inefficacité. L’IA devient un projet à part, alors qu’elle devrait être un levier transversal de transformation.

Ce que coûte l’absence de structuration
Ce manque de structuration n’est pas neutre : il produit des effets délétères dans toute l’organisation. D’abord, il provoque un désalignement entre les grandes fonctions : la stratégie d’un côté, les métiers de l’autre, l’IT et la data dans leur silo. Chaque direction agit selon ses priorités, ses outils, ses partenaires, sans coordination. Ce cloisonnement ralentit les cycles, multiplie les doublons et désoriente les sponsors internes.
Ensuite, l’absence de résultats tangibles engendre scepticisme et désengagement. Les équipes terrain, sollicitées pour des tests sans suite ou des prototypes sans impact, finissent par se détourner. La transformation IA devient une initiative de la DSI ou de la direction data, sans portage métier. Enfin, les risques réglementaires augmentent : projets hors cadre RGPD, opacité des modèles, biais non maîtrisés, conformité incertaine. À ces risques s’ajoutent les coûts invisibles : empilement d’outils, formation non valorisée, inflation des charges de maintenance.
Ces travers ne sont pas théoriques. En 2025, de nombreuses entreprises reviennent sur des projets IA lancés trop vite, faute de méthodologie. Chez plusieurs acteurs du retail et des services financiers, des modèles génératifs ont dû être débranchés en production faute de garde-fous juridiques et d’évaluation d’impact éthique en amont.

La roadmap IA : socle de maturité et levier de performance
Face à ces constats, une roadmap IA n’est pas un document de plus, mais une condition de réussite. C’est une boussole partagée, qui articule vision stratégique, priorisation des cas d’usage, organisation du delivery et mécanismes de gouvernance.
Tout commence par une vision claire. Quelle est la « North Star » IA de l’organisation ? S’agit-il d’améliorer l’expérience client ? De renforcer l’excellence opérationnelle ? D’industrialiser le savoir ? Cette vision, quand elle est alignée sur les objectifs business, permet d’éviter les effets de mode ou les expérimentations gadgets. IBM Consulting, dans sa note stratégique de mai 2025, insiste sur ce point : « Les entreprises qui réussissent à industrialiser l’IA sont celles qui la relient à des workflows métier bien identifiés. »
Vient ensuite l’identification des pain points opérationnels. Il ne s’agit pas ici de brainstormer des idées de projets, mais de faire remonter les frictions réelles vécues par les équipes. Ces irritants quotidiens — ressaisies, délais, erreurs manuelles, manque d’anticipation — sont le point de départ naturel des cas d’usage.
Ces cas doivent ensuite être priorisés selon une logique valeur/effort. Certaines entreprises utilisent des matrices ICE ou RICE, d’autres préfèrent des arbitrages qualitatifs à partir de critères simples : impact business, faisabilité technique, maturité des données, acceptabilité organisationnelle.
Enfin, une roadmap IA efficace prévoit dès le départ un cadre de gouvernance solide : comités de pilotage mixtes, indicateurs de suivi, rituels d’alignement avec les métiers. C’est cette gouvernance qui assure que les cas d’usage avancent, que les arbitrages sont tenus et que la transformation se maintient dans le temps.

Méthode structurée : les quatre temps d’une roadmap activable
L’expérience terrain montre qu’une roadmap IA solide repose sur quatre grandes étapes méthodologiques.
1. Cadrage stratégique et définition des OKR IA
On commence par aligner la direction générale et les sponsors métiers sur les ambitions IA. Cela donne lieu à des objectifs clairs, mesurables, et contextualisés. Par exemple : automatiser 20 % des tâches de back-office d’ici 12 mois, améliorer la détection de fraude de 15 %, ou réduire de moitié le temps de traitement des demandes clients.
2. Immersion métier et qualification des irritants
Les équipes IA ou data vont à la rencontre des métiers pour qualifier les cas d’usage à partir de leur réalité opérationnelle. Cette démarche est critique pour éviter les projets hors-sol. Un bon cas d’usage IA part rarement d’une idée d’algorithme : il part d’un problème métier bien posé.
3. Priorisation rigoureuse des cas d’usage
Chaque cas est ensuite évalué selon des critères structurés (valeur, complexité, données disponibles, risque réglementaire). Ce travail débouche sur une sélection resserrée de cas à fort impact, réalistes, et industrialisables rapidement.
4. Structuration de la roadmap et gouvernance
Enfin, on assemble le tout dans une feuille de route claire, avec des jalons, des sponsors désignés, des indicateurs de suivi. La gouvernance devient le garant de la dynamique, et l’assurance que l’IA ne reste pas un chantier annexe.
Des exemples récents qui montrent la voie
Le cas de Carlyle Group, en 2025, est emblématique. Confrontée à des efforts IA épars, l’entreprise a décidé d’internaliser une approche centralisée. En six mois, 90 % des 2 300 collaborateurs ont été équipés, formés, et accompagnés par des « champions IA » dans chaque équipe. Résultat : réduction du traitement de factures de 30 %, gains de productivité dans la recherche d’investissement, adoption rapide dans toutes les lignes métier. Lucia Soares, CIO du groupe, insiste sur la méthode : « Pas de projet IA sans vision d’usage, pas de déploiement sans sponsor opérationnel. »
Dans une PME SaaS européenne du secteur supply chain, une démarche similaire a permis d’automatiser la phase de QA logicielle. En l’espace de 4 mois, les cycles de test ont été divisés par deux, le taux d’erreur divisé par quatre, et le time-to-market accéléré de 35 %. Le retour sur investissement a été mesuré dès le trimestre suivant.
Enfin, un acteur du retail a, lui, misé sur l’IA générative pour personnaliser ses programmes de fidélité. En connectant les données clients à des modèles génératifs via une gouvernance rigoureuse, il a obtenu une augmentation de 25 % du repeat client, de 15 % de la valeur moyenne du panier, et de 30 % de la rétention. L’IA n’a pas simplement soutenu l’existant : elle a réinventé le parcours relationnel.
Conclusion : l’IA n’est pas un sprint, c’est une trajectoire
Les entreprises qui transforment l’IA en valeur durable ne sont pas celles qui lancent le plus de projets, mais celles qui savent où elles vont, pourquoi, et avec qui. Une roadmap IA, bien conçue, est à la fois une boussole stratégique, un levier d’alignement organisationnel et un outil d’exécution efficace.
Sans elle, l’IA reste un terrain de jeu. Avec elle, elle devient un levier de performance, de différenciation et de maturité.
Chez Aurecis, cette structuration repose sur une conviction forte : ce n’est pas la technologie qui crée la valeur, mais l’intelligence collective qui l’organise
Pour aller plus loin, Aurecis organise une matinale exclusive le 14 octobre prochain, dédiée à la construction de roadmaps IA pragmatiques, pilotables et adaptées à votre réalité métier. L’occasion d’explorer des retours d’expérience concrets, d’échanger entre pairs, et de repartir avec une méthode directement activable,